Conseils de lecture

Les livres et les héros dont les pré-ados deviennent accros (9/12 ans)

Héros charismatiques, histoires fortes, personnages récurrents : quels sont les bons ingrédients de la littérature junior pour captiver les pré-ados et attiser leur désir de lire ?

Harry Potter, Gallimard Jeunesse
Jean-Philippe Arrou Vignod

À la sortie des contes et des premiers livres dévorés seul, les pré-ados découvrent une nouvelle période de lecture, celle de la littérature junior, comme la qualifie Jean-Philippe Arrou-Vignod, directeur de collection chez Gallimard Jeunesse et auteur, entre autres, de la série Enquête au collège, les Histoires des Jean-Quelque-chose ou les albums de Rita et Machin.

 

Comment capter l’intérêt de ces jeunes lecteurs ? 

« Je pense que les enfants de cet âge ont avant tout envie de découvrir des histoires fortes, qui entraînent le lecteur par de multiples rebondissements et qui conduisent un personnage à se dépasser. »

Des héros auxquels s’identifier

« Une bonne histoire jeunesse s’articule autour d’un personnage dotée d’une présence  forte. D’un héros qui allie profondeur et énergie », souligne Jean-Philippe Arrou-Vignod. À cet âge, le lecteur cherche en effet à s’identifier à un héros qui lui ressemble, mais aussi qui le dépasse, par ses qualités, ses pouvoirs ou les aventures qu’il vit. Des héros qui ne sont pas nécessairement des enfants ou des adolescents comme lui, mais qui sont tous animés par ce que Jean-Philippe Arrou-Vignod décrit comme « l’esprit d’enfance ».

Des histoires ordinaires ou extraordinaires qui emportent le lecteur

Ces héros qui captivent les pré-ados vivent des histoires toutes différentes, avec deux dimensions que l’on retrouve plus tard dans la littérature pour adultes : les histoires qui renvoient au quotidien du lecteur et celles qui le plongent dans un univers totalement imaginaire. « Dans Le Petit Nicolas, par exemple, les histoires en sont très simples, mais racontées avec tant de drôlerie, de justesse et de vivacité que les jeunes lecteurs d’aujourd’hui continuent de se reconnaître totalement dans ce personnage, même s’il a été créé dans les années 1960 ! » rapporte Jean-Philippe Arrou-Vignod. « En parallèle, on retrouve aussi la littérature de l’imaginaire, dans des univers qui n’existent pas », comme dans la série des Harry Potter ou À la croisée des mondes. « Les auteurs de littérature junior sont d’abord de formidables raconteurs d’histoires, dont les qualités d’écriture n’ont rien à envier aux auteurs pour les adultes. Ils usent de ressors narratifs puissants : le goût de l’aventure, du mystère, le sens de la justice, les liens familiaux… Ils puisent dans des racines très profondes et font naître des sentiments forts chez leurs lecteurs. »

« Le plaisir d’une absolue liberté offert par les mots »

« La lecture entre en concurrence frontale avec de multiples sources de divertissement d’une très grande puissance car faciles d’accès, modernes, à la mode, analyse Jean-Philippe Arrou-Vignod. Lire, c’est une démarche plus complexe que d’allumer un écran. Il faut mettre en route tout un processus mental, mais le plaisir qu’on y trouve ne ressemble à rien. C’est le plaisir d’une absolue liberté offerte par les mots à l’imagination. » Cette liberté s’obtient par l’effort de départ, la contrainte de se mettre à la lecture. « Le livre est une petite pelote dont on découvre le contenu au fur et à mesure, comme si on la déroulait peu à peu. Parfois, il nous faut plusieurs pages pour adopter un personnage, le ton d’un auteur, un univers… », commente Jean-Philippe Arrou-Vignod, qui rappelle qu’il est parfois compliqué de rentrer dans un nouveau livre, d’autant plus pour un jeune lecteur. Ce qui explique notamment le succès des séries ou feuilletons, qui proposent des univers ou personnages récurrents : il est plus facile pour un lecteur junior de se plonger dans un livre composé d’ingrédients familiers et connus.

"Lire, c’est une démarche plus complexe que d’allumer un écran."

Vers une totale autonomie de lecture

Quelle attitude adopter alors, quand on souhaite accompagner son enfant dans son parcours de jeune lecteur ? « Je pense qu’il faut laisser les lecteurs choisir leurs livres. L’injonction à la lire tel ou tel livre ne fonctionne pas, chaque chemin de lecteur est individuel », estime Jean-Philippe Arrou-Vignod. « Je suis devenu lecteur grâce aux Club des Cinq,que j’ai dévorés avec passion dans mon enfance, pas grâce aux classiques qu’on me faisait lire en classe. Ça ne m’a pas empêché de passer, le moment venu, à des lectures plus ambitieuses ! » Plutôt que de sacraliser certains livres et types de lecture, l’auteur et éditeur recommande plutôt d’aider chaque jeune lecteur à construire son propre chemin, à « monter marche par marche, à son rythme, vers des œuvres plus denses, plus complexes et plus nourrissantes ». On doit être libre de tout lire : « Les parents et l’école ont souvent envie de pousser les enfants vers les “bons livres”. Or, je pense qu’en brûlant les étapes, on risque de tuer le désir de lire. » Car la lecture est avant tout une histoire individuelle : comme pour le cinéma ou la musique, chacun construit un rapport très personnel aux livres.

Comment accompagner son enfant dans la lecture ?

Pour susciter l’intérêt des juniors pour la lecture, Jean-Philippe Arrou-Vignod conseille de créer un univers dans lequel le livre est partout : « Il faut dédramatiser cet objet qui peut faire peur, être synonyme d’ennui, de lecture obligatoire. Le livre doit devenir un objet qu’on a envie de retrouver. J’aime ces maisons avec des livres partout, ouverts sur un accoudoir, sur une table de chevet : c’est aussi vivant qu’une maison avec des plantes ! » Et si l’on souhaite accompagner son enfant vers des livres qui lui plairont à coup sûr, Jean-Philippe Arrou-Vignod liste quelques-uns des héros et héroïnes de la littérature junior qui ont animé des générations de lecteurs : « Harry Potter, bien sûr, le Petit Nicolas, Lyra d’À la croisée des mondes, le Mathieu Hidalf de Christophe Mauri, un personnage auquel le lecteur aime s’identifier parce qu’il est à la fois génial et exaspérant, le merveilleux Tobie Lolness de Timothée de Fombelle, et, naturellement, tous les héros et toutes les héroïnes de Roald Dahl... J’ai une affection particulière pour sa Matilda, un petit bout de fille inoubliable ! »