Entretien

Publié le 01/07/2020

Entretien avec Lian Hearn

Lian Hearn répond à nos questions au sujet de sa saga Le Clan des Otori 
8 juin 2011

Comment vous est venue l'inspiration pour décrire l'univers foisonnant du «clan des Otori» ?
J'ai commencé à écrire «Le Silence du Rossignol» avec, en tête, les quatre personnages principaux et la phrase d'ouverture dite par Takeo. J'étais alors au village international d'arts d'Akiyoshidai, dans la préfecture de Yamaguchi; c'était un après-midi moite et humide de septembre. La lumière était pâle et opalescente. L'eau ruisselait des bassins autour de la résidence des artistes, on y voyait les carpes frétiller et, de temps en temps, un martin-pêcheur passer à tire-d'aile. Je prenais des notes dans un carnet avec un stylo à encre-gel noir que j'avais acheté à Himeji. J'ai écrit :«Ma mère menaçait souvent de me découper en petits morceaux.» Je l'ai changé plus tard par : «en huit morceaux». J'aime traduire littéralement des idiomes japonais pour donner l'impression que le livre n'est pas écrit en anglais.
Depuis des années je m'initiais à l'histoire et à la littérature japonaises, par de nombreuses lectures ou par le cinéma, ou encore en étudiant la langue. Après plusieurs semaines passées seule au Japon, dans cet endroit idyllique, lentement, le monde des Otori commençait à prendre forme. J'allais souvent au château de Hagi dans la vieille ville du clan des Choshuu. Je visitais des maisons de samouraïs et les musées. Je marchais dans les montagnes qui surplombent le village, à travers les rizières et le long de la rivière. J'essayais partout d'imaginer comment mes personnages pouvaient évoluer cinq siècles plus tôt. Quand je parlais aux gens, je devais les écouter avec une attention particulière, comme lorsque j'étais une petite fille. Je prêtais l'oreille à tout ce qui se disait, tout en restant le plus souvent muette. C'est ainsi que Takeo est né. 

Qu'aimez-vous particulièrement dans l'art japonais ?
Dans la littérature et les arts japonais, c'est l'utilisation du silence et de l'asymétrie qui me fascine. (...) Je voulais voir si je pouvais utiliser le silence dans l'écriture. Le style est donc dépouillé, elliptique et suggestif. Ce qui n'est pas dit est aussi important que ce qui est énoncé. 

Qu'est-ce qui vous intéresse dans la société que vous décrivez ?
Je m'intéresse au système féodal. Quand la démocratie et l'état de droit sont ébranlés, les sociétés humaines semblent retourner au féodalisme. Je voulais écrire un «conte fantastique» ancré dans une société féodale, mais je voulais que mes personnages soient réels avec des émotions d'autant plus intenses qu'elles sont contenues par des codes de conduite très stricts. Il n'y a pas de méchants dans le sens traditionnel du terme dans mon histoire, il n'y a que des antagonistes. Iida Sadamu et Otori Shigeru appartiennent à la même classe sociale. Iida a été corrompu par le pouvoir alors que Shigeru est d'une nature compatissante mais, au fond, ils se ressemblent. De même que l'un n'est pas un monstre, l'autre n'est pas un super héros. Mes personnages recherchent le pouvoir, ils ont des défauts, mais ils aiment la vie et profitent de tout ce qu'elle peut leur offrir. 

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