Chronique

Publié le 04/11/2016

Tant que nous sommes vivants, un élan d’amour

Tant que nous sommes vivants - Anne-Laure Bondoux

 Quel étrange sortilège ce livre recèle-t-il ? Il raconte un voyage, une aventure extraordinaire. Lorsqu’on le quitte, on a l’impression d’avoir vécu une vie entière à travers ses personnages. Dix ans, cent ans se sont écoulés, pendant que notre thé refroidissait. Où est la magie ? Quand s’est-on laissé marabouter ?

Peut-être bien dès le début…

Cela commence par un coup de foudre, subtil et beau, sans emphase et sans tremblements. Bo et Hama se rencontrent, et ils s’aiment. C’est tout. Il arrive d’abord un heureux accident — un enfant ! — bientôt suivi par un accident terrible — un feu. Les habitants du village, jadis si joyeux, deviennent menaçants et Bo et Hama doivent partir, accusés à tort. C’est aussi simple, aussi terrible, que ça.

Peut-être est-elle là, la puissance de ce roman : simple et terrible. Les péripéties que vivent les amoureux sont dures comme le sont celles de notre monde en béton : la vie nous malmène, elle est injuste. On brûle, on meurt, on est blessé. Mais d’un autre côté, cet univers est fantastique : on y fabrique des petits théâtres d’ombres, on y rencontre une ribambelle de personnages qui vivent dans un terrier, on y donne naissance à son enfant dans la neige.

Pourquoi c’est si spécial :

  • L’univers de l’histoire, dans une sorte de XXe siècle lointain et innommé, frôle la fantasy sans jamais y tomber tout à fait. On ne reconnaît pas les lieux, pas les noms, sans jamais pourtant être déstabilisé. On est dans un autre monde.
  • C’est raconté au « Nous » et ce n’est qu’à la moitié du roman que l’on fait la connaissance du narrateur qui n’existait jusque-là que comme une graine : l’enfant de Bo et Hama. Ce « nous », d’abord mystérieux, prend alors tout son sens et devient sublime.
  • On rencontre de délicieux personnages : il y a Bo le révolté, Hama la mélancolique, la Tsarine, Titine-Grosses-Pattes, Ness et Malakie, les amis fidèles de Bo, la fratrie de Douze et puis, bien sûr, la formidable Tsell.
  • C’est un conte moderne doux-amer et plein de poésie, à la fois décennal et intime ; le rythme est parfaitement maîtrisé, la petite musique de l’existence joliment perceptible…
  • Quand beaucoup d’histoires s’achèvent sur un baiser et un belle promesse, Tant que nous sommes vivants raconte la suite. Qu’advient-il durant le voyage de cette vie à deux ? Que se passe-t-il après le générique ?

Le plus remarquable, c’est que ce roman est plus puissant encore que les frémissements du premier regard (et pourtant, combien on aime ces tremblements, leurs pouvoirs excitants !). Après le coup de foudre, comme tous les amoureux, Hama et Bo s’engagent sur des terres inconnues. À chaque épreuve, ils doivent abandonner quelque chose derrière eux, et c’est douloureux. Ils continuent d’avancer à la recherche du bon endroit où installer leur cocon… mais, on ne nous la fait pas à nous: c’est eux-mêmes, qu’ils cherchent, au fond. Et c’est ça qui est beau.

L’Histoire d’Hama et Bo est unique. Amabo, c’est « j’aimerai », en latin, et ce roman se lit comme un élan d’amour au futur. On est porté et emporté, car il y a forcément du bon plus loin devant nous.

Amabo, Amabis, Amabitis, J’aimerai, tu aimeras et, on l’espère, vous aussi, vous aimerez.

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