Chronique

Publié le 10/02/2022

Le terrorisme constitue le cœur de ce livre, l’humanité en est l’âme

Et pourtant nous sommes vivants - Sera Milano

Joe, Ellie, Violet, Peaches et March pensaient assister au festival annuel de leur ville : une soirée agréable, à l’image des années précédentes, avec feu d’artifice et retraite au flambeaux. Et pourtant, rien ne s’est passé comme ils l’avaient imaginé : on ne peut pas se préparer à l’impensable. C’est seulement lorsque les premiers coups de feu ont éclaté, entre deux gerbes colorées, que chacun a compris que leur vie venait subitement de basculer. Au fil des pages, ils nous livrent leurs témoignages, aussi intenses que saisissants.

« Le monde n’était plus que bruit et fureur. »

Ils fréquentent le même lycée, se connaissent vaguement de vue, mais cette nuit-là, ils vont être unis par la même envie féroce de survivre, d’échapper à la fureur des balles et de retrouver leurs proches. Lorsqu’on est confronté de près à la mort, l’adrénaline prend le dessus. Dispersé parmi la foule, chacun de ces cinq adolescents va tenter de fuir les bourreaux qui les prennent pour cible. Une chasse à l’homme effrénée débute alors, entre violence et espoir.

« Je ne savais pas qui avait décidé de s’en prendre à nous, ni quelles étaient les motivations de ces assassins. Mais une chose est sûre, ils voulaient notre mort. »

La seule issue pour fuir l’attaque terroriste au milieu de laquelle ils sont pris au piège ? Le pont. Mais bien vite, les cinq adolescents réalisent que s’en approcher, c’est s’exposer à une nouvelle menace. Leur unique chance : se mettre à l’abri. Mais où ? Le moindre mètre carré devient soudain synonyme de danger quand on est pris sous le feu d’armes qu’on ne pensait croiser que dans les jeux vidéo. Option n°1 : se rendre dans les jardins, au risque d’être à découvert. Option n°2 : s’engouffrer dans le manoir face auquel se déroulait le festival, au risque d’être pris au piège si leurs bourreaux décident d’y entrer à leur tour. Dans ce genre d’histoire, il n’y a pas de bonne réponse : aucun lieu ne semble sûr quand on réalise que la vie ne tient qu’à un fil.

« Je n’avais qu’une idée en tête : Tire-toi, tire-toi, tire-toi. »

Cette nuit-là, Joe, Ellie, Violet, Peaches et March vont se croiser, s’entraider, se perdre de vue, se retrouver. Certains assistaient au festival avec leurs parents, leurs frères et sœurs, leurs meilleurs amis. Leurs routes vont, tour à tour, croiser celles de vagues connaissances ainsi que celles d’inconnus. Peut-être même tomberont-ils nez à nez avec ceux à l’origine du massacre. À chaque nouvelle accalmie, ils vont craindre de plonger à nouveau en enfer, la seconde d’après. Comme si le drame devait se répéter, encore et encore, inlassablement, jusqu’à ce qu’il n’y ait plus aucun survivant. Pourtant, des survivants, il y en aura. Et à travers leurs témoignages, ils vont contribuer à mettre des noms et des visages sur ceux qui n’ont pas survécu et apporter, au milieu de cette violence, une humanité d’une force rare.

« D’autant plus que je sais qu’il n’y a pas de lieu sûr, je vais vivre. On ne doit pas céder une seule vie de plus à ces types. »

Vous l’aurez compris : Et pourtant nous sommes vivants, c’est un livre coup de poing. Au fil des pages, Sera Milano met en scène une tragédie saisissante. Mais le terrorisme constitue le cœur de ce livre, l’humanité en est l’âme. On pourrait craindre que cette lecture soit trop dure, trop rude. Et pourtant, croyez-moi, quand vous aurez lu la toute dernière phrase de cette histoire, vous n’auriez qu’une envie : vivre. L’autrice a raison : « Ceux qui méritent le moins d’attention, ce sont les criminels. J’ai envie d’entendre parler de ceux qui sont partis trop tôt, et de ceux qui ont survécu. Ce sont leurs noms que je veux connaître. ». Avec cette histoire, inspirée par les attentats d’Utoya en Norvège, mais pas que, Sera Milano avait la volonté de « noyer les assassins dans le silence et amplifier la parole des survivants ». Et c’est avec beaucoup de justesse et de talent qu’elle y parvient, à travers sa plume.

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