Entretien
Publié le 28/07/2023
Découvrez l'aventure graphique des couvertures Harry Potter
Un quart de siècle d’existence et déjà quatre dessinateurs et designers pour illustrer les aventures françaises de Harry Potter. Thierry Laroche, directeur éditorial Littérature chez Gallimard Jeunesse, et Jean-François Saada, son directeur artistique, reviennent sur l’évolution graphique d’une saga indémodable.
1998-2011 JEAN-CLAUDE GÖTTING
Thierry Laroche
« En 1998, quand Harry Potter à l’école des sorciers est retenu pour une publication en Folio Junior, le choix s’est porté sur Jean-Claude Götting. Cet excellent peintre a proposé des couvertures classiques, mais dotées de suffisamment de force picturale pour conférer une vraie identité au Harry Potter français. Il a réussi à accompagner le héros, qui vieillit dans la saga, avec une grande habileté. Au moment de la sortie des grands formats, au quatrième tome, les couvertures des trois premiers ont été redessinées. C’est à partir de là qu’a été utilisé le logotype en forme d’éclair, conçu par Scholastic et repris par la Warner pour les films. »
Jean-François Saada
« Avec son approche de peintre, Jean-Claude Götting a donné au héros de J.K. Rowling une image singulière, à des années-lumière des couvertures très “grand public” proposées par l’éditeur américain, Scholastic. Cela reste pour moi un des plus jolis pas de côté de Gallimard Jeunesse, qui sut jouer là son rôle de passeur auprès des jeunes lecteurs, en les familiarisant avec le travail d’exception de Götting : l’œuvre présentée sur la couverture était celle d’un artiste, pas une simple illustration de commande. »
2011-2016 JON GRAY
Thierry Laroche
« Entre 1998 et 2011, le succès des films a tout changé. Le public s’est élargi, l’image du héros et de la saga a été “fixée”- dans l’imaginaire des spectateurs. On savait que les couvertures de Götting resteraient au Panthéon des couvertures jeunesse, ce n’était pas rien de proposer autre chose. Sans prendre le risque de la confusion entre l’œuvre originale et l’œuvre cinématographique – il n’a jamais été question de reprendre des images des films –, nous avons utilisé des photographies pour évoquer l’atmosphère cinématographique. À l’époque, certains ont trouvé ça un peu kitsch, trop éloigné de la littérature, mais nous étions persuadés que la perception de Harry Potter avait changé et que la vocation de la collection Folio Junior était de parler au plus grand nombre. »
Jean-François Saada
« Jon Gray est un immense designer de couvertures, travaillant pour les plus grands éditeurs anglo-saxons (Penguin, Viking, Faber and Faber…). L’exercice qui était le sien d’évoquer les films sans en utiliser les images fut tout de même assez contraint : ses couvertures avaient certes une belle gravité mais le cinéma nous avait habitués à un tel souci du détail que ses objets et ses lieux choisis (une coupe, une épée, un château…) semblaient forcément un peu plus impersonnels. Sa version proposait en outre une nouvelle graphie du titre, plus sobre, plus fine qui donnait à sa série une grande élégance... »
2016-2023 OLLY MOSS
Thierry Laroche
« À ce moment-là, la saga cinématographique est achevée. Il est acquis que Harry Potter est l’un des plus grands succès de l’édition jeunesse et de l’édition dans son ensemble. On a voulu prendre acte du fait que Harry Potter était devenu un livre mythique et que l’on pouvait désormais s’arrêter à un seul élément, iconique, de l’histoire pour évoquer toute la puissance de l’oeuvre littéraire. Dans le monde entier, une paire de lunettes rondes et un éclair suffisent à évoquer le héros. La dimension cross-over de ces couvertures nous permet de les utiliser en poche comme en grand format. »
Jean-François Saada
« Le propos de cette couverture est, c’est vrai, plus conceptuel que celui proposé par Jean-Claude Götting, qui était plus narratif. On capitalisait là sur un univers dont les codes étaient repérés, avec des éléments iconiques dont on pouvait se servir pour poser, de la manière la plus synthétique, l’univers de chacun des romans. Au départ, il était prévu qu’Olly Moss propose une typographie de titre propre à ses couvertures, mais nous sommes revenus au logo avec l’éclair, qui était devenu aussi fort que celui des plus grandes franchises de type Star Wars – un signe de ralliement dont on avait eu tort de se priver dans l’édition précédente. »
2023 - STÉPHANE FERT
Thierry Laroche
« Les premiers lecteurs de Harry Potter sont aujourd’hui des parents, une nouvelle génération est arrivée. Nous voulons nous adresser à elle en réaffirmant dès la couverture que Harry Potter est un roman pour la jeunesse. Les éléments caractéristiques de cet univers – l’aventure, le mystère, la sorcellerie, le frisson, l’amitié – y sont réunis de façon immédiate et plus narrative que précédemment. Il y a une énergie, une vie, un foisonnement… et de nombreux détails à aller dénicher, façon “easter egg”, comme disent les Anglo-Saxons, comme une chasse aux œufs de Pâques. »
Jean-François Saada
« J’avais repéré le travail de Stéphane Fert, ses qualités de peintre et son voisinage avec les thèmes fantastiques. Nous avions envie de retrouver un illustrateur généreux dans son écriture, moins dans l’épure numérique, tellement à la mode aujourd’hui. Avec lui, nous sommes en compagnie d’un vrai coloriste. Les couleurs sont sa matière, sa manière d’entrer dans les images. Ses compositions magnifiques, ses combinaisons de scènes et de personnages ont permis de renouveler la manière de narrer chacun des romans sur leur couverture, d’être plus directement ouvert à l’aventure et au foisonnement incroyable de lieux, de personnages, d’actions… que propose le récit de J.K. Rowling. L’énergie est sans doute le mot qui caractérise le mieux ce nouveau jalon des couvertures de Harry Potter. »