Entretien

Publié le 03/07/2020

À propos de "Terrienne"

Interview de Jean-Claude Mourlevat au sujet de  son dernier roman « Terrienne »
Avril 2011

Dans Terrienne, vous abordez un genre très différent, entre science-fiction et fantastique. […]Qu’est-ce qui vous a poussé à changer de registre ? 

L’envie juste de me dépasser, de changer de genre, d’explorer des contrées inconnues pour moi. Par jeu, parce que je déteste m’ennuyer et ennuyer les lecteurs. 

Dans presque tous vos romans, revient le thème de la liberté. […]Dans Terrienne, l’enjeu est de libérer Gabrielle et de mettre fin au trafic des femmes esclaves. 

Et pour expliquer ça, sans doute faut-il, comme pour beaucoup de choses, remonter à l’enfance. J’étais interne de l’âge de 10 ans jusqu’à 18 ans.[…] La liberté désirée, alors que j’étais enfermé. Ce n’était pas une prison mais ça y ressemblait un peu. Quand je discute avec des amis auteurs, on se dit que nous sommes tous hantés par deux ou trois thèmes obsessionnels qui proviennent de l’enfance et qu’on décline à l’infini. J’écris des romans différents, mais dans chacun, on retrouve : la liberté, l’envie de partir, l’idée de surmonter le désespoir… 

Il me semble que vous vous adressez à des lecteurs de plus en plus grands, à la limite des adultes. […] Avez-vous un projet d’écriture à destination des adultes ? 

Non, pas vraiment. Je ne sais même pas encore quel sera mon prochain roman. Mais quand à la problématique jeunesse ou adulte, quelquefois je m’interroge, et je me réponds le plus souvent : « Tu as trouvé une place », […] une place un peu particulière, intermédiaire. Mais je me trouve encore, techniquement, en Jeunesse : chez Gallimard Jeunesse, dans les bibliothèques, les librairies…[…] J’ai beaucoup de lecteurs, dont de nombreux adultes. Je suis très bien traité par mon éditeur, qui assure vraiment la promotion de mes livres. Ma tendance serait à ne pas bouger. 

Il y a eu apparemment une hésitation sur le titre, avant sa parution il était annoncé sous le titre Les Passagers de l’Hôtel Légende, et c’est devenu Terrienne. 

Tout à fait. On a tourné autour de titres comportant le mot « terrienne », le tout premier que j’avais proposé était « Anne Collodi, terrienne ». Jusqu’au moment où l’on s’est rendu compte qu’il fallait le mot « Terrienne » tout seul. Simplement, Terrienne… 

Ce qui me frappe, c’est votre rapport très respectueux à vos lecteurs. Vous refusez cette tendance actuelle du roman pour adolescents/jeunes adultes hyper noir, hyper réaliste, où il n’y a aucun recours, où le lecteur est plongé d’entrée de jeu dans le monde réel et ses horreurs. […]Peut-on parler de bienveillance ? 

Je crois que je suis bien élevé ! Il y a des choses qu’on fait, qu’on doit faire, il y a des choses qu’on ne doit pas faire. Ce que je n’ai pas envie de faire – peut être que certains le font –, c’est de dire : « Certes, j’écris en jeunesse, je suis un écrivain pour la jeunesse mais regardez jusqu’où je suis capable d’aller, dans la violence, le fait de parler de la mort, de la sexualité… » […] 

J’essaie d’aller au bout de ce que j’ai à dire, mais je le fais dans la forme qui me convient. […] Je ne suis pas un styliste, mais j’essaie de travailler mon écriture. J’essaie d’aller au plus simple, tout en gardant tout ce qu’il faut de contenu. […] Et au-delà de l’aspect technique de l’écriture, j’essaie d’explorer des sujets, des thèmes qui me sont propres. Ce que j’ai à dire se trouve dans mes romans, pas dans les interviews. 

(Extraits de l’interview faite par Annick Lorant-Jolly et Marie-Ange Pompignoli pour le magazine La Revue des livres pour enfants, avril 2011) 

 

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