Conseils de lecture

Lire avec son enfant : un rituel précieux (3-6 ans)

Pourquoi nos enfants aiment-ils tant qu’on leur raconte des histoires ? Quel plaisir, au-delà du récit et des images, éprouvent-ils à partager ce temps de lecture avec l’adulte ? Comment ce rituel les aide-t-il à se construire ?

Lire avec son enfant : un rituel précieux

Raconter des histoires : un réflexe « naturel »

Depuis toujours et dans le monde entier, on raconte des histoires à nos enfants, et ce, dès le plus jeune âge : en leur parlant, en leur décrivant ce que l’on voit, en leur chantant des berceuses et des comptines. Ces premiers échanges sont, sans que l’on en prenne conscience, des moments de partage et de complicité précieux. « Une berceuse, c’est une chanson qui cherche à rassurer au moment de l’endormissement pour répondre aux angoisses liées à l’absence. C’est la première forme littéraire qu’on adresse aux bébés de façon traditionnelle et instinctive », explique Sophie Van der Linden, critique spécialiste de la littérature pour la jeunesse et romancière. « Le livre, par rapport au patrimoine oral qu’on a déjà, est un autre véhicule, qui permet de partager et de transmettre des récits. » Un fil se tisse donc tout naturellement, entre la berceuse que l’on chante pour apaiser son enfant et l’album qu’on lit avec lui le soir, quelques années plus tard.

Un rituel rassurant

Pour Alice Liège, directrice littéraire du département Petite Enfance chez Gallimard, « le rituel de la lecture du soir est loin d’être superflu, c’est une nourriture affective naturelle et essentielle, un moment que les enfants attendent avec impatience parce qu’il crée une proximité physique rassurante, où ils se sentent protégés ». Les livres, avec leur histoire et leurs images qui ne varient jamais, jouent aussi un rôle de réassurance dans un environnement culturel multimédiatique qui fait la part belle aux écrans, comme le souligne Sophie Van der Linden : « Le livre offre une permanence, une activité calme et sereine qui vient équilibrer le quotidien des enfants. Comme nous, ils ont besoin de stabilité dans leur découverte échevelée du monde et des autres. Grandir est intense, cela fait peur, ils ont besoin de choses stables auxquelles se raccrocher », comme les histoires et ces moments de complicité pris dans le quotidien…

Le plaisir de la relecture

Voilà aussi pourquoi les enfants aiment tant qu’on relise des dizaines de fois la même histoire, pourquoi un album peut les obséder soir après soir : « L’histoire lue et relue rassure l’enfant, la répétition lui donne de nouveaux outils pour la comprendre », confirme Alice Liège. « Les enfants ont une perception uniquement auditive, pour eux, cet instant est éphémère. Relire, c’est leur donner plus de moyens pour assimiler l’histoire, ses subtilités et les émotions qui y sont véhiculées », ajoute Sophie Van der Linden. Lire avec son enfant l’aide ainsi à se construire émotionnellement et à poser les bases de la relation à soi et à autrui : « Les albums pour enfants renvoient à leur propre vécu, à leurs sentiments et aux relations qu’ils nouent avec les autres : dans la relecture, on éprouve les émotions et on rejoue le vécu. »

L’importance du partage

On comprend ainsi que ce rituel bienfaisant n’est rien sans la présence complice et volontaire de l’adulte, du parent qui prête sa voix au texte. « L’adulte est leur seul moyen d’accéder à la lecture tant que les enfants ne savent pas lire, son rôle est immense, mais c’est un partage qui ne doit pas être vécu comme une contrainte », note Sophie Van der Linden. Lire une histoire ensemble, c’est en effet la vivre et créer une culture commune, faire entrer des personnages dans notre quotidien. On a donc tout intérêt à trouver des livres qui nous plaisent à nous aussi, parents, pour mieux les raconter à nos enfants. « Mettre le ton, la gestuelle et les expressions dans la voix et le visage, interpeller son enfant sur une phrase amusante ou effrayante, un détail de l’image : tout cela apporte une dimension humaine irremplaçable à la lecture à voix haute », pense Alice Liège. Cela rend le partage et la réaction possibles des deux côtés, et l’on voit petit à petit l’enfant devenir acteur, terminer les phrases, commenter les images et, un jour, demander à lire seul. Et voilà comment le rituel réconfortant se mue en un espace de liberté et de découverte, jusqu’à devenir un temps pour soi, vers la lecture autonome.