Chronique

Publié le 08/11/2018

Mortal Engines – Bientôt au cinéma

Mortal Engines - Philip Reeves

À l’occasion de la sortie à venir du film « Mortal Engines », l’intégralité de la saga culte de Philip Reeves est rééditée en grand format. L’occasion pour Amy, rédactrice On Lit Plus Fort, de se lancer dans le grand voyage de cette lecture, à bord de villes montées sur roues et de ballons dirigeables…

« C’était un après-midi de printemps sombre et venteux, et Londres cavalait après une bourgade minière – spécialisée dans l’extraction de sel – sur le lit asséché de l’ancienne mer du Nord. Voyant le danger, la petite ville minière s’était empressée de ficher le camp. Mais les énormes chenilles supportant Londres avaient rapidement pris de la vitesse, et la métropole n’avait pas tardé à gagner du terrain. Pesamment, certes : on aurait dit une montagne d’acier en mouvement qui, comme un gâteau de mariage, s’élevait sur sept couches, ses étages inférieurs noyés dans la fumée des moteurs, ses ponts supérieurs arborant des villas bourgeoises d’un blanc immaculé, le tout couronné par la croix en or de la cathédrale Saint-Paul qui étincelait à quelques six cents mètres au-dessus de la terre dévastée. »

C’est sur ces mots que s’ouvre le premier tome de Mécaniques Fatales, la grandiose fresque post-apocalyptique de Philip Reeves. Nous sommes non pas dans une galaxie, mais dans un futur très très lointain, des siècles après la « Guerre d’Une Heure » qui a ravagé la Terre et l’humanité. Pour survivre au milieu d’une planète asséchée et détruite, les hommes sont redevenus nomades : montées sur roues, chenilles ou multiples pattes, les villes se déplacent désormais comme d’énormes tortues, leurs habitants sur le dos. Elles chassent d’un bout à l’autre de la Terre les autres villes, afin de les « dévorer » et de piller leurs ressources. C’est la loi du plus fort, le « darwinisme municipal », l’Ère du Mouvement.

Londres fut la première à se mettre en marche. Aujourd’hui à peine plus nourrie que les autres, la cité est en déclin. Mais c’est sans compter les ambitions de son maire et la formidable découverte de Thaddeus Valentine, archéologue de renom. Au cours de l’une de ses expéditions, celui-ci a ramené les plans de la Méduse, l’arme qui a ravagé l’humanité des siècles auparavant. Thaddeus et le Maire comptent bien parvenir à la réactiver afin de s’en servir pour dominer les autres villes, et donc le monde.

« N’oubliez jamais, jeunes gens, que nous, Historiens, sommes la Guilde la plus importante de la ville. Nous ne créons pas autant de richesse que les Marchands, mais nous créons le savoir, ce qui vaut largement plus. Nous ne sommes pas chargés de conduire Londres comme les Navigateurs, mais où iraient les Navigateurs si nous n’avions pas préservé les anciennes cartes ? Quant aux Ingénieurs, rappelez-vous que chacune des machines qu’ils développent s’appuie sur des fragments de la Pré-tech, la haute technologie antique que nos conservateurs de musée protègent après que nos archéologues l’ont découverte. »

Tom n’est qu’un gamin des bas quartiers lorsque sa vie bascule – assez littéralement. Alors qu’il sauve Thaddeus Valentine d’une tentative d’assassinat, celui-ci le pousse par-dessus bord ! Evacué au milieu des ordures de sa ville natale, voilà Tom coincé sur le sol, au beau milieu de nulle part, avec pour seule camarade de voyage la tueuse qui s’en est pris à Thaddeus … qui s’avère n’être qu’une gamine borgne et défigurée en quête de revanche : Hester Shaw.

Mais au loin, Londres continue sa course inexorable vers les contrées fertiles du Shan Guo, au-delà de l’Himalaya… Car, dans le plus grand secret, Thaddeus Valentine et le Maire ont trouvé la clé de la Méduse…

« Vite, toujours plus vite, encore plus vite. C’est comme si l’impatience de Monsieur le Maire avait contaminé le tissu urbain même de la ville : dans la salle des machines, les pistons battent aussi vite que son cœur ; chenilles et roues avancent aussi rapidement que ses pensées, fonçant vers le prochain chapitre de la grande histoire de Londres. »

Il fallait bien la plume d’un Anglais pour écrire un tel ouvrage ! Cet humour subtil et acéré se fait créateur de villes, de personnages ou de situations rocambolesques dans un récit qui laisse la part belle à l’action. D’aventures en aventures, les évènements s’enchaînent, sans une seconde de répit pour le lecteur : le voilà embarqué, comme les personnages, dans le mouvement perpétuel des villes et de l’histoire.

« Il était fasciné par les vieux automates et autres jouets mécaniques. La nuit, il les démontait patiemment et les réparaient, explorant les échappements complexes de leur cœur comme s’il y avait cherché la clé du sien. »

Incroyablement puissant, le texte pose des questions profondes avec la même subtilité que son humour. Qu’est-ce que le bien et le mal, et où se situent-ils ? Qu’est-ce que la morale ? Qu’est-ce que l’amour, ou la beauté, également ? Comment affronte-t-on l’adversité, ou la mort ? La plume, tantôt drôle, tantôt poétique, de Philip Reeve dessine un monde abrupt et sans pitié, aux personnages hauts en couleurs et très profondément humains.

« Tu n’es pas un héros, je ne suis pas belle, nous ne vivrons pas heureux et nous n’aurons pas beaucoup d’enfants. Mais nous sommes en vie, tous les deux, et nous nous en sortirons. »

Tour à tour amusant, émouvant, triste, haletant, surprenant et résolument novateur, Mécaniques Fatales est un livre qui se conseille de 7 à 77 ans. Il ne tombe jamais ni dans la cajolerie ni dans la facilité et possède tout ce qui transforme un bon livre en récit exceptionnel : une personnalité unique.

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