Chronique

Publié le 22/08/2019

Marisha Pessl vous présente « Le Matin de Neverworld »

Le matin de Neverworld - Marisha Pessl

Chère lectrice, cher lecteur,

C’est avec beaucoup d’enthousiasme que je vous présente le premier roman que j’ai écrit pour les jeunes adultes, Le matin de Neverworld.

Cela fait très longtemps que je suis, en secret, un détective qui tente de résoudre, bien installé dans son fauteuil, les plus grands crimes de l’histoire. Jack l’Éventreur, le mystère de l’homme de Somerton, Le Dahlia noir… J’ai passé des heures à scruter des clichés d’autopsie, des rapports de police, des articles de journaux, des récits, mais aussi à parcourir des forums Reddit à la recherche de nouveaux éclairages, de nouvelles pistes ou théories. Ces efforts ne m’ont jamais conduite à autre chose qu’une série de portes fermées. Sans entrée, ni sortie.

Alors un jour, j’ai eu cette idée : ces crimes auraient tous pu être résolus si les enquêteurs avaient disposé d’un temps infini.

S’ils avaient eu l’éternité pour chercher des indices. L’éternité pour réfléchir au talon d’Achille de tout interrogatoire, laissant ainsi témoins et suspects désarmés, séduits, brisés, défaits. L’éternité pour imaginer une chorégraphie parfaite puis déferler sur les lieux du crime. Pour trouver la clef. Et ouvrir la porte.

Le temps est à la fois notre grand malheur et une ressource précieuse, le bateau sur lequel nous dérivons tous. Il façonne nos vies, nous contraint à faire des choix. Mais si le temps devenait éternel ? Si nous n’en étions plus jamais à court ?

Lorsque je me suis mise à l’écriture du Matin de Neverworld, j’étais à mi-chemin de mon prochain roman pour adultes. Et pourtant, ce texte plus court exigeait toute mon attention, ainsi que des réponses. Je l’écrivais dès que j’avais un peu de temps, volant quelques heures le samedi et le dimanche matin avant que mes enfants se réveillent, travaillant parfois toute la nuit.

Je savais que ce livre mettrait en scène des personnages jeunes parce que rester prisonnier de l’époque du lycée – et des gens qu’on y fréquentait – est un cauchemar récurrent et commun à nombre d’entre nous. J’ai également eu à cœur de me remémorer les émotions qu’on éprouve à cet âge. Ce moment où se forgent et se déchirent les amitiés et les premières amours, celles dont on se souvient toujours. Et si nous devions à jamais rester prisonniers de cette période tumultueuse à laquelle tout le monde a le droit d’échapper ?

Je me suis inspirée de l’atmosphère étouffante des romans policiers d’Agatha Christie, mais aussi de l’enfer que Sartre décrit dans Huis clos. J’espère que vous aurez plaisir à lire ce roman qui n’est pas sans lien avec les escaliers d’Escher. Peut-être vous demanderez-vous, comme cela m’est parfois arrivé en pleine nuit, sans que le temps, pour une fois, ne sorte son fouet pour me presser : que suis-je ? À quelle question aimerais-je avoir l’éternité pour réfléchir ?

 

Marisha Pessl

Auteur associé