Chronique

Publié le 16/01/2020

Levez le poing avec Trois filles en colère

Trois filles en colère - Isabelle Pandazopoulos

Charlène, rédactrice On Lit Plus Fort, a lu Trois filles en colère et vous invite à découvrir ce roman épistolaire engagé et poétique !

Suzanne, Cléomèna et Magda sont trois jeunes femmes de 18 ans, dispersées à travers l’Europe de 1966. Suzanne est à Paris, issue d’une famille aisée et conservatrice. Magda, sa cousine vit à Berlin Ouest avec son père. Ce Berlin séparé en deux par le mur qui retient de l’autre côté, à l’Est, sa mère et ses deux autres enfants. Cléo, elle, est fille de communistes dans une Grèce où s’est installée la dictature, et où les communistes sont traqués et déportés dans des camps de travail. Contrainte de se cacher, elle fuit à Paris, où elle est hébergée dans la famille de Suzanne.

C’est ainsi que leurs trois destins se croisent, entre les marches de la Sorbonne et les pavés de Nanterre, entre les bals sur les quais de Seine et les promenades le long de la Stree berlinoise. Elles étudient, tombent amoureuses, se révoltent contre l’autorité. Elles cherchent à percer les secrets qui rongent leurs familles respectives, à faire parler les silences. Elles essayent, finalement, de trouver leur place dans ce monde en ébullition qu’est celui de la guerre froide qui mène aux événements de mai 68.

« C’est là-bas, à Berlin, que j’ai pris la décision de me battre. Même si je n’en ai pas envie, même si la violence me dégoûte, j’ai brusquement compris que je n’avais pas le choix. »

A l’heure où les réseaux sociaux et les chaines d’information regorgent de reportages sur les différents mouvements et actions féministes à l’œuvre dans le monde entier, le texte d’Isabelle Pandazopoulos prend une dimension toute particulière. Il tombe à pic dans un climat d’émancipation et de libération des femmes, mais aussi dans le paysage géopolitique particulier qui s’ordonne aujourd’hui. C’est un roman éclairant qui fait étonnamment écho au contexte actuel.

C’est une lecture que j’ai envie de transmettre à toutes les femmes de mon entourage, peu importe leur âge, parce qu’elle parle du droit de chacune à disposer d’elle-même, à prendre ses propres décisions et à faire ses propres choix, dans un monde qui leur dicte que faire et penser.

« Ce soir-là, sous mes yeux, les femmes se sont mises debout et ont pris la parole. Contre toutes les autorités qui cherchent à les maintenir dans des rôles étriques : parents, profs, employeurs… »

Pour autant, et en dépit de son titre, ce livre nous parle sans haine, sans rage : ce sont trois jeunes femmes qui se confient les unes aux autres dans des lettres, sur ce qu’elles vivent, ce qu’elles désirent. Pas à pas, elles s’émancipent, s’affirment, par la prise de conscience et l’action directe plutôt que par la violence. Elles sont belles, elles sont jeunes, elles sont fortes et intelligentes et elles portent à bout de bras les espoirs de toute la jeunesse européenne des années 60.

« Un autre monde, on veut tout simplement vivre dans un autre monde. »

On retrouve avec délice la plume d’Isabelle Pandazopoulos, à la fois fluide, douce, tellement poétique et tellement puissante parfois. Elle nous émeut quand elle nous parle d’amour, elle nous enchante quand elle nous décrit les folles nuits parisiennes et nous exalte quand elle raconte les manifestations et les révoltes étudiantes. C’est une plume incroyablement juste que celle d’Isabelle, qui confère à travers les lettres des personnages qui composent le roman, une voix propre à chacun. Après les bouleversants La Décision et Double Faute, Isabelle Pandazopoulos livre un quatrième roman à la portée historique, sociale, autant qu’humaine et intimiste.

« Je ne vis plus que dans l’espoir de te revoir demain. Je suis amoureux pour la première fois de ma vie. »

Trois filles en colère, c’est un roman-valise où se cachent aussi des images, des articles de presse, des photos… qui nous rappelle l’importance des combats auxquels on croit. Et qu’on a envie de mettre entre toutes les mains !

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