Chronique

Publié le 20/06/2019

Lady Helen, une lecture qui ne ressemble à aucune autre

Lady Helen T& : Le club des mauvais jours - Alison Goodman

C’est le moment d’enfiler ses plus beaux gants de soie pour aller combattre les démons dans le Londres de 1912. Oui, vous avez bien lu.

Lady Helen, jeune noble couvée, fait son entrée dans le monde précieux de la Régence Britannique, en essayant de faire oublier le trouble héritage de sa mère, dans l’espoir de décrocher un beau mariage.

Tout va pour le mieux dans le Londres de 1912, fait de dentelle, de codes de conduite tout aussi étouffants qu’extravagants, et d’une pression sociale singulière — qui pèse particulièrement sur les épaules de la jeune protagoniste — tout va pour le mieux, donc… quand la belle horlogerie de la vie d’Helen se détraque. Son cortège de bals est soudain bousculé par l’intervention de démons au mode opératoire vampirique tout à fait étrange et parfaitement répugnant. Ceux-ci rôdent dans la ville. Un certain Lord Carlston, un noble de très mauvaise réputation, lui apprend que le Club des mauvais jours, dont il est un membre éminent, est chargé d’en faire la chasse. Et voilà notre chère Helen recrutée (un peu de force) par ce club très étrange et résolument secret.
Saura-t-elle changer de mode de vie… et s’approprier ses nouveaux pouvoirs ?

Lady Helen est un OLI (Objet Littéraire Insolite). Cette fresque ambitieuse au ton so-british bouscule les conventions.

Situer une aventure à l’époque de la Régence anglaise (1811-1837) est en effet un pari audacieux. Période méconnue et complexe, caractérisée par ses excès aristocratiques, la Régence suit l’époque des livres de Jane Austen, et précède l’ère Victorienne, mieux connue.

Les fans de Jane Austen retrouveront avec délice les non-dits amoureux, les questions de classe sociale, les lord impétueux et imbuvables et les héroïnes au fort tempérament.
Les amateurs du genre steampunk (qui pour des raisons esthétisantes se situe souvent à l’ère victorienne) quant à eux se réjouiront du mélange de fantastique et d’historique qui caractérise Lady Helen.

  • Trouver le juste équilibre entre la jeune effrontée et l’héritière surprotégée n’est pas une mince affaire. Alison Goodman y parvient : Helen a grandi dans un cocon de richesse et de respect… mais sous l’emprise d’une « figure paternelle » violente et intransigeante, qui l’a endurcie. Helen est une jeune femme de son époque, fidèle à ses valeurs, à sa place, aux convenances… mais elle a un esprit aiguisé, un sens de l’observation très pointu et, parfois, une légère tendance à répondre ce qu’il ne faut pas.
  • Réinventer le mythe du vampire semble aujourd’hui impossible, tant cette créature est passée par toutes les couleurs de l’arc-en-ciel, du Dracula de Bram Stoker au Edward de Twilight. Et pourtant, Alison Goodman s’y attaque avec une créativité rafraîchissante. Ses démons qui sucent la vie de leurs victimes semblent emprunter à un imaginaire biblique et japonais à la fois, sans pour autant se défaire de cette noirceur et « sensualité » propres aux vampires. Étrange, horrifiant et… décoiffant !

Ce n’est pas la première fois qu’Alison Goodman adopte un angle de vue novateur et c’est réellement la force de cette auteur australienne : elle apporte de la fraîcheur à chaque genre auquel elle s’attaque. Sa duologie de fantasy, Eon et Eona, ne suivait déjà pas les formules habituelles du Young Adult, et sa percée en science-fiction (Singing the Dogstar Blue, 1998, non traduit) témoigne elle aussi d’un œil neuf et indépendant : ce qu’écrit Alison Goodman, tout en restant fidèle à un genre, est résolument unique.

Ici, on se ronge les sangs en attendant la suite. (Et, s’il faut l’avouer, on a surtout très envie de retrouver l’inquiétant et fascinant Lord Carlston.)

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