Chronique

Publié le 14/02/2019

Imprévisible et sans temps mort

Le théorème des labyrinthes - Tom Pollock

Parfois, Peter est tellement angoissé qu’il est victime de crises de panique. Dans ces moments-là, il perd le contrôle de lui-même. Quand il sent que ses angoisses sont sur le point de le submerger, il essaye tant bien que mal de se raccrocher aux mathématiques comme on se raccrocherait aux branches d’un arbre pour ne pas tomber : réfugié dans les nombres, il compte. Et quand ça ne suffit pas, il se jette sur la nourriture, jusqu’à s’en rendre malade.

“Cela avait commencé comme toujours : cette douleur en creux dans l’estomac, que j’avais l’habitude de prendre pour de la faim mais qu’aucune nourriture ne pourrait jamais satisfaire.”

Forcément, être un adolescent anxieux et virtuose des nombres n’aide pas à s’intégrer, et Peter en est bien conscient… Heureusement, il peut compter sur Anabel, sa sœur jumelle. Leur gémellité ne les empêche pas d’être très différents : Bel déborde d’assurance, elle. Mais complices et unis, ils se comprennent, se soutiennent. Et puis il y a Ingrid, la meilleure (et unique) amie de Peter qui, à l’image d’un reflet dans un miroir, est aussi passionnée par les maths et submergée d’angoisses.

“Quoiqu’il se passe, tu ne gâcheras rien, dit Bel, la tête posée sur ses doigts entrelacés. Fais-moi confiance.”

Mais les craintes de Peter sont un peu comme l’instinct d’un animal sauvage : alors que sa mère, une célèbre neuroscientifique, s’apprête à recevoir un prix en hommage à ses travaux, l’adolescent redoute que l’une de ses crises vienne gâcher la cérémonie. Et effectivement, les choses tournent mal : sa mère est poignardée et sa sœur disparaît brusquement. Là, le monde dans lequel Peter croyait vivre bascule, sans retour en arrière possible.

“J’éprouve soudain une violence nausée, comme si on m’avait donné un coup de poing dans le ventre. Elle m’a suivi. Et je l’ai entrainée vers ceux qui l’attendaient.”

Et si sa mère n’était pas seulement une scientifique de renom ? Et si elle leur avait caché une part de vérité ? Et si quelqu’un en voulait à leur famille ? Et si les personnes en qui Peter pensait pouvoir faire confiance le trahissaient ? Et si … Qui croire, que faire, comment démêler la vérité du mensonge ? Entraîné de force dans un labyrinthe dont il peine à trouver la sortie, comme un lapin piégé entre les pattes d’un loup, Peter va devoir affronter ses peurs, ses souvenirs et son anxiété pour tenter de s’en sortir.

“Je pense à tous les couloirs dans lesquels j’ai couru. Bel est-elle étendue par terre dans l’un d’entre eux, en train de perdre son sang, avec personne pour l’aider ?”

Le Théorème des labyrinthes est un thriller percutant au rythme haletant : l’un de ces romans qu’on a du mal à lâcher une fois notre lecture commencée. Comme Peter, on se retrouve embarqué dans un monde d’espionnage et de complot, où l’on ne peut compter que sur soi-même. À ses côtés, on se méfie des apparences, on tente de remettre les pièces du puzzle les unes avec les autres, de remonter la piste laissée par quelques détails ici et là …

“C’est un modèle mathématique. Je dois distinguer ce modèle au-delà des horreurs et des hurlements, et quand j’y arriverai, je ne serais pas seulement en état de me tirer d’affaire : je découvrirai aussi le gros sac de merde rance qui a organisé tout ça.”

… Mais à peine a-t-on tourné la page qu’un nouvel évènement inattendu, une révélation insoupçonnée, fait voler en éclat toutes nos hypothèses. Et c’est dans ces moments-là que l’on prend conscience du véritable talent de l’auteur, Tom Pollock, qui brille dans l’art de nous tenir en haleine à travers une intrigue aussi précise qu’imprévisible, de la première à la dernière ligne, sans oublier de parsemer son roman de touches d’humour. Laissez-vous surprendre : vous ne serez pas déçus par cette lecture, immersive et puissante.

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