Chronique

Publié le 01/10/2020

En tête à tête avec Erik L’Homme

Nouvelle Sparte - Erik L'Homme

Erik L’Homme, quelles sources ont inspiré Nouvelle-Sparte et les personnages de votre roman ?

Nouvelle-Sparte est né d’inspirations plurielles, puisant leur source dans le rêve d’un enfant qui voulait devenir pilote, dans les souvenirs flous et vivaces d’un adolescent qui aimait lire des romans d’anticipation, dans la fascination d’un étudiant pour la Grèce antique et son histoire, ses poètes, ses philosophes…

Ma passion pour la nature sauvage et la liberté, deux voyages récents dans le Péloponnèse, mon goût enfin pour les contrastes, m’ont poussé à imaginer le destin d’une cité grecque dans les confins sibériens !

Comment définir ce roman totalement inhabituel ? Est-ce de la science-fiction, une fable futuriste, une uchronie ?

Mon roman s’inscrit forcément dans le genre de la science-fiction, puisque certaines technologies utilisées n’existent pas encore. Ce n’est pas une uchronie par contre puisqu’il ne se déroule pas dans un présent alternatif, ni une dystopie (et encore moins une utopie) car il ne décrit pas une société cauchemardesque (ou idéale)…

Il s’agit davantage d’une chronique des temps post-modernes, d’un récit d’anticipation, d’un roman futuriste !

Le récit est construit sur la confrontation de deux mondes, deux sociétés, deux mentalités, faits de disparités. Ce contraste permet-il des comparaisons, des oppositions ? Dans quelle finalité ?

En réalité, il s’agit de quatre espaces civilisationnels nés d’une terrible catastrophe qui a bouleversé notre monde (le roman se déroule deux cents ans après ces événements), dont un qui n’est qu’évoqué, la Muraille, et un autre seulement effleuré, le Darislam. Pour des raisons de complexité narrative, je me suis en effet concentré sur Nouvelle-Sparte et la version post-moderne de la société dont elle est issue. L’Occidie, puisqu’il s’agit d’elle, devient alors un miroir dans lequel se redécouvrent au fil du récit les citoyens de Nouvelle-Sparte. Mais surtout, ce jeu de contrastes offre au lecteur la possibilité de porter un regard inhabituel sur sa propre époque et son propre monde, dans le double reflet occidien et néo-spartiate…

L’écriture y est inventive et singulière. Elle apporte densité au texte et tension à la narration. Comment avez-vous travaillé le style et la forme pour développer le fond ?

J’ai essayé de bâtir un roman total, où la forme viendrait en cohérence du fond. J’ai donc imaginé une écriture futuriste (restant compréhensible et fluide !) pour un monde situé à deux siècles du nôtre. Néologismes, dynamisme d’une syntaxe libérée des conventions, blocs-textes organisés en chapitres percutants, importance des concepts… Jeu avec les temps également, puisqu’on peut passer au sein d’une même phrase, selon le locuteur, du passé au présent !

Nouvelle-Sparte est un texte riche qui traite de philosophie, d’utopie, de dénonciation, de corruption, d’amour, de sensualité, d’argent, d’attentat, de spiritualité, d’initiation. Quel est votre propos dans ce roman d’anticipation ?

J’ai effectivement essayé de parler de tout ça… et davantage ! (Je plaisante.) J’évoquais plus haut à propos de la liaison forme/fond mon ambition d’écrire un roman total. Eh bien j’ai également tenté de le faire dans mon propos. Non que je prétende avoir traité tous les sujets traitables, bien sûr ! Mais au moins ceux qui me tiennent à cœur, les fameuses « obsessions » de l’auteur autour desquelles se bâtit finalement une œuvre…

Si je devais sortir un seul thème du panier, décliné à l’envi au fil du récit, ce serait l’idée-force de la polyphonie du monde – et l’acceptation de sa pluralité, antidote à tous les totalitarismes.

Cette fiction a de quoi surprendre les lecteurs habitués à vos livres, par son écriture et son intrigue. Ce livre se destine aux adolescents. Est-ce un pas de côté, une nouvelle ère d’écriture, la volonté de surprendre chaque fois ?

J’ai fait une longue pause en 2016. Une période sabbatique, cela sert à beaucoup de choses : voyager, réfléchir, prendre du recul, se ressourcer. Et parfois commencer un nouveau cycle d’écriture ! Alors oui, j’inaugure celui-ci avec Nouvelle-Sparte. Ce roman d’anticipation, qui s’adresse à un public plus mûr, qui traite de sujets à la fois actuels et inhabituels, dans une langue en résonance avec le fond du récit, surprendra sûrement les lecteurs et tant mieux ! Car c’est aussi le rôle d’un écrivain : montrer autre chose autrement, changer l’angle d’un regard, susciter des émotions différentes, provoquer des réactions inattendues, pousser à la réflexion…

Que voudriez-vous que l’on retienne de ce récit ?

Que les histoires d’amour ne sont pas toujours condamnées à la mièvrerie ? Qu’il faut aussi s’attacher à exister et pas uniquement à vivre ? Que les dieux, s’ils ne sont responsables de rien, mettent toujours à l’épreuve de soi ? Qu’importe finalement ce que je voudrais ! Seul compte ce que le lecteur aura choisi de retenir. J’ai mis dans ce livre suffisamment de choses pour qu’il trouve ce qu’il ne sera pas venu chercher…

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