Chronique

Publié le 22/10/2015

Au bout du pinceau : Jim Kay, illustrateur de Harry Potter

Harry Potter - J.K Rowling, illustré par Jim Kay

Rédaction de l’article par Raphaële Botte, pour la revue PAGE des libraires

 

Portait de Jim Kay ©Bloomsbury

Dans le centre de l’Angleterre, un jeune illustrateur taille son crayon et entame une nouvelle planche… Jim Kay est chargé de mettre en images les mots de J.K. Rowling. Portrait d’un homme qui ne semble pas effrayé par les détails de la romancière.
Qu’il soit brun et qu’il porte des lunettes n’a certainement rien à voir dans le fait que Jim Kay soit en ce moment même en train d’illustrer la série Harry Potter. Mais on ne peut s’empêcher de se dire que ce jeune artiste britannique a des faux airs de… Harry Potter ! Il a été choisi par la romancière.

« Voir les illustrations de Jim Kay m’a profondément émue. J’adore son interprétation du monde de Harry Potter, et je suis honorée et reconnaissante qu’il lui prête son talent », a-t-elle confié.

Ce dernier est connu pour avoir notamment illustré Quelques minutes après minuit, le texte de Patrick Ness. Jim Kay a d’ailleurs été couronné par la Kate Greenaway Medal (un prix prestigieux décerné chaque année à un illustrateur en Grande-Bretagne). Le voilà dorénavant en immersion complète chez les sorciers. Et parti pour accomplir chaque année, pendant sept ans, un nouveau tome.

Un style.
Jim Kay a étudié l’illustration à l’Université de Westminster et la précision de son style actuel lui vient peut-être en partie de son passage aux archives de la Tate Britain et aux Jardins botaniques royaux de Kew. Déambuler dans les musées a toujours été pour lui source d’inspiration. Par exemple, dans Harry Potter à l’École des Sorciers, une pleine page est consacrée au fameux Choixpeau magique que tout nouvel élève de Poudlard coiffe pour savoir dans quelle maison il ira.


« J.K. Rowling le décrit comme étant rapiécé et cela m’a immédiatement rappelé des échantillons de tissus anciens vus au musée royal d’Édimbourg. Voilà le genre de petites notes que je prends sans savoir exactement à quel moment cela servira dans mon travail ! » explique-t-il. « Mais j’ai aussi besoin de mon jardin, de la nature et des fleurs pour travailler. L’observation de certaines formes végétales m’inspire directement la composition et les couleurs de mes dessins. »


Se promener, prendre en photo des insectes, les observer… Parmi les maîtres qui l’influencent, Jim Kay cite également Brecht Evens, l’illustrateur de BD belge (Panthère), le photographe et réalisateur Anton Corbjin (connu pour ses photos et ses films sur l’univers du rock) ainsi que Jan Svankmajer. Ce réalisateur surréaliste tchèque, dont Tim Burton s’est aussi beaucoup inspiré, est connu pour son interprétation de l’univers d’Alice au pays des merveilles. Ces références nourrissent en profondeur le travail de Jim Kay dont les dessins portent une certaine noirceur et un goût pour l’étrange. L’artiste confié d’ailleurs être impatient de se confronter à l’atmosphère pesante des Reliques de la Mort. Heureusement, pour apporter un peu de légèreté à tout cela, il cite aussi son chien Leroy comme étant source d’inspiration quotidienne !

Un atelier.
À l’arrière de sa maison, à Kettering, ville du centre de l’Angleterre, il faut traverser un jardin fleuri pour découvrir le petit studio qui lui sert d’atelier. La pièce est désormais tapissée d’esquisses, d’éléments architecturaux, de détails de façades, de croquis de créatures…Voilà presque deux ans qu’il déambule dans les couloirs de Poudlard accompagné de toute cette faune ! Heureusement, Jim Kay ne travaille pas seul : un étonnant squelette grandeur nature semble veiller sur lui. Des fleurs, un vieux réveil, une poupée de porcelaine, un elfe de maison en plâtre, quelques éléments en 3D (le train, une façade…) : cet atelier est un petit monde. Coté outils, l’atelier regorge de pots de couleurs et de boîtes à pinceaux.

« Je peux très bien utiliser des peintures qui servent habituellement pour les murs ou des crayons de cire.
En général, je travaille avec un mélange d’aquarelle, d’acrylique et d’huile. Le trait, lui, est presque toujours fait au crayon 4B ou plus sombre.
»


De grandes feuilles aux crayonnés fins et précis reposent dans des tiroirs en bois étiquetés par thème. Quand le dessinateur les sort, le visiteur découvre en taille réelle la minutie de son travail… Tout l’univers crée par J.K. Rowling est là. Sombre, dense et exaltant à la fois !


Des livres.
Comment se plonger dans les centaines et les centaines de descriptions ? Impossible de tout représenter !

« Je préfère me concentrer sur des points précis du texte, des moments qui se trouvent à la périphérie de l’intrigue principale. Par exemple, j’ai choisi de dessiner Hermione réussissant à fabriquer un feu qu’elle pouvait transporter dans un pot de confiture pour se réchauffer. Dans le livre, cela prend à peine quelques lignes mais cela m’a fasciné et j’ai décidé de lui consacrer une pleine page. ».

Mais hors de question de s’échapper du texte !


« Je relis, relis, et relis encore car sinon, au moment où je griffonne, où je multiplie les esquisses, je risquerais de m’éloigner des descriptions précises de l’auteur. »


Si Jim Kay confirme avoir beaucoup apprécié l’adaptation cinématographique, il la tient en ce moment à distance pour ne pas être parasité par les images. Il suffit de regarder à nouveau son dessin du Choixpeau magique. Il n’a rien à voir avec celui du film ! Du coté des héros, Jim Kay confie avoir hâte de dessiner Neville, un de ses personnages préférés. Pour l’instant, c’est la masse velue de Hagrid qui a ses faveurs.


Et il n’est pas forcément étonnant que « Harry ait été sans aucun doute le plus difficile à dessiner. Les enfants sont toujours compliqués car vous ne pouvez pas utiliser trop de lignes autour des yeux et du visage, sinon ils ont l’air vieux ! »

Pour le représenter, Jim Kay a raconté qu’il s’était inspiré d’un petit garçon aperçu par hasard dans le métro londonien ! Il y a des éléments de sa femme chez Minerva McGonagall, et sa nièce, elle, se retrouve sous les traits d’Hermione… Sans oublier son fidèle compagnon !Le chien Leroy a en effet l‘honneur de se retrouver dessiné dans le Chemin de Traverse. Avis aux observateurs attentifs.

 

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