Entretien

Publié le 08/07/2020

Sébastien de Castell nous parle de « L’Anti-Magicien »

À propos de « L’Anti-Magicien »
13 juin 2018

Quand j’étais petit, j’adorais la magie. Mais quand j’ai eu seize ans, j’ai fait une découverte terrible: je n’avais pas de pouvoirs magiques. Je n’avais d’ailleurs rien de particulier. Je n’étais ni le meilleur élève de mon lycée, ni le plus intelligent. Il y avait aussi plein de gens bien plus doués et plus charmants que moi. Et franchement, je n’étais même pas le plus sympathique. Mes romans de fantasy préférés m’avaient menti…

J’ai grandi avec des livres qui me promettaient que plus j’aurais l’air ordinaire, plus mon destin serait glorieux. Que si je faisais preuve d’assez de patience, j’apprendrais que mes parents (qui semblaient m’aimer exactement comme les autres parents aimaient leurs enfants) m’avaient protégé en secret jusqu’au moment où ils pourraient sans danger me révéler que je détenais des pouvoirs extraordinaires, que j’allais bientôt vivre des aventures merveilleuses et, allez savoir pourquoi, que je deviendrais fabuleusement riche…

Rien de tout ça n’est jamais arrivé.

Je n’étais bien sûr pas le premier adolescent à faire cette découverte. Certains acceptent avec grâce de vivre une vie plus modeste, d’autres deviennent nihilistes, décrétant que de toute façon, rien n’a d’importance. D’autres, qui ont grandi avec la conviction qu’ils étaient différents, décident d’attendre que l’univers finisse par leur apporter la preuve qu’ils ne se trompaient pas.

Et moi ? Moi, j’ai eu de la chance. Mon entourage m’a clairement fait comprendre que je n’avais rien de particulier et que si ça me dérangeait, je n’avais qu’à trouver une solution. Qu’être ordinaire, ce n’est pas une condamnation à vie, juste un point de départ. Car ce qui vous rend unique – et donc différent – c’est la façon dont vous allez nourrir tous les petits bouts vaguement intéressants de vous-même ; puis essayer de créer avec ça les combinaisons les plus étranges jusqu’à fabriquer, à la manière d’un élixir magique qu’on boit, un être étonnant. L’élu ? Pas du tout. Juste l’individu que vous choisissez de devenir.

Alors nonobstant les tatouages magiques et les cartes à jouer les plus mystérieuses, les sombres conspirations, les circonstances extraordinaires et les chacureuils qui parlent, voici le réel sujet de L’Anti-Magicien : découvrir des vérités parfois désagréables sur soi, sur sa famille et sa culture, et décider de ce qu’on va en faire.

Je suis très heureux que le premier tome de cette série soit traduit en français. Mon père était un parisien convaincu, il a aussi été soldat. Il a combattu pendant la Seconde Guerre mondiale et, pour lui, Paris était une terre sacrée. Je suis moi-même né au Québec, une province dont les racines sont plus profondes en France qu’au Canada. Adultes, mon épouse et moi avons davantage parcouru la France que notre propre pays. Pourquoi ? Parce que c’est un pays magique. La France contient une magie qui m’est vitale, tout comme elle est vitale à L’Anti-Magicien : Kelen cherche sans cesse des sorts qui le rendront puissant, or la France recèle des sorts d’une toute autre espèce, ainsi de l’amitié, de l’honneur, de l’amour, de la danse, sans oublier parfois aussi quelques tours de passe-passe – tout ce qui ajoute du merveilleux à la vie. Bien sûr, cela existe dans chaque pays. Mais je les ai toujours trouvés plus facilement dans les rues des villes et des villages de France.

J’espère sincèrement que vous aimerez les aventures de Kelen. Mais surtout, n’oubliez pas : la magie, c’est de l’escroquerie.

Amicalement,

Sébastien de Castell

 

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