Entretien

Publié le 06/07/2020

Entretien avec Vincent Cuvellier

Vincent Cuvellier répond à nos questions
3 mars 2015

L’univers de vos livres se situe dans le monde de l’enfance… 
J’ai une tendance naturelle à écrire pour les enfants. Je ne suis pas venu par dépit à l’écriture pour les enfants. L’enfance, c’est un vrai sujet, ça m’intéresse dans tous ses aspects. Je m’intéresse à l’enfance de mon fils, à la mienne mais aussi à toutes les enfances, y compris celle du temps passé comme dans L’histoire de Clara. Quand j'invente un personnage comme Émile, forcément, il y a un peu de moi, un peu de mon fils, un peu de ce que j'aime chez les gamins. Et comme j'ai souvent tendance à penser qu'on parle aux enfants comme à des idiots, j'essaie de ne pas le faire dans mes livres…
 

Quelle est la part de mémoire dans l’écriture de vos albums ?
Lorsque j’étais jeune, mon père me racontait ce qu’il faisait à Brest après la guerre. Dans les rues détruites par les bombardements, c’était comme La guerre des boutons. Mon album Les socquettes blanches rend ainsi un hommage à mon père. En ce moment, je prépare des fictions à partir de témoignages de personnes âgées qui me racontent leur enfance. Je m’intéresse beaucoup à l’histoire, comme dans cette trilogie écrite sur la guerre, avec L’histoire de Clara, Je suis un papillon ou J’aime pas les clowns. Je dirige par d’ailleurs une collection de biographies historiques pour enfants aux Éditions Actes Sud, «T'étais qui, toi ?»

Vos ouvrages sont illustrés par différents illustrateurs. Est-ce un choix éditorial ou votre propre choix ? 
Ce peut être les deux. Pour Le temps des Marguerite, c’est mon choix. Je m’intéresse de très près aux images. Pour la série des Émile, j’ai voulu que ce soit très simple : si j’écris «Émile mange des endives», dans l’assiette d’Émile il y a des endives. Elles ne sont pas violettes, elles ressemblent à de vraies endives. Je trouve que certains illustrateurs mettent des symboles, des idées qui compliquent. À mon avis, un livre n’est réussi que s’il est la création commune d’un auteur et d’un illustrateur. L’écrivain est à la base du projet, mais le livre n’existe que parce qu’il est le fruit d’un travail entre l’auteur, l’illustrateur, le graphiste et l’éditeur. On travaille tous ensemble et j’ai un regard sur tout, même la page de garde !

Comment choisissez-vous vos sujets ? 
Chaque fois que je commence l’écriture d’un livre, je me demande comment je vais l'écrire. Dans chacun de mes livres, j’essaie un truc différent. Par exemple pour Les socquettes blanches, j’ai choisi la narration alternée. Pour L'histoire de Clara, 10 narrateurs différents racontent l'histoire. Pour Je suis un papillon, c'est un papillon qui raconte. Pour La première fois que je suis née, c'est une petite fille qui raconte sa vie depuis sa première seconde. Je pars du plus simple. J’aime revenir aux choses simples, presque minimalistes. Je n’ai pas forcément envie que mes livres soient lus par tous. Certains sujets touchent l’intimité. Par exemple, je n’aimerais pas que La fille verte soit un livre «exploité» en classe, qu’il soit trop analysé, décrypté… J’ai juste essayé de faire ressentir les émotions de cette jeune adolescente.
Mes livres ont beaucoup de sens cachés. Le second degré est un mode de communication qu’il faut utiliser très tôt. C’est important et ce n’est pas grave si le lecteur ne comprend pas tout de suite. Je ne fais pas mes livres pour tout mâcher, ce que j’aime c’est amener les gens là où ce n’était pas prévu, les embarquer là où ils ne s’attendent pas à l’être. J’essaie de laisser mes livres dans l’attente, de faire des fins ouvertes. Plus que de travailler sur des thèmes, l'essentiel de mon travail consiste à creuser mon style, à chercher une nouvelle forme de narration à chaque livre. Ce que je creuse depuis mon premier livre écrit à 16 ans, c'est «comment faire pour que l'écriture soit aussi vivante que la parole ?».
 

Propos recueillis par Marie-Christine Decourchelle pour le Cercle Gallimard de l'enseignement

>> Voir le dossier thématique consacré à Vincent Cuvellier sur le site du Cercle Gallimard de l'enseignement

 

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