Conseils de lecture

Des livres qui invitent au rêve et au voyage imaginaire

Quoi de mieux pour développer son imaginaire que des histoires aux multiples rebondissements, aux créatures merveilleuses et aux voyages fabuleux ?

Des livres qui invitent au rêve et au voyage imaginaire

« Les enfants semblent avoir beaucoup moins d’imagination ». « On nous emprunte surtout des livres éducatifs ». « Une maman m’a dit que les histoires inventées risquaient d’embrouiller son enfant dans ses apprentissages scolaires ».

Il se pourrait que dans le monde incertain où les enfants grandissent on ait tendance à vouloir les préparer de plus en plus tôt aux apprentissages fondamentaux… Dès lors, pourquoi faudrait-il choisir des lectures qui invitent au rêve et développent l’imaginaire ?
D’abord parce que ces livres ne sont en rien contradictoires avec les enseignements scolaires. Ils développent des facultés qui n’empêchent nullement les apprentissages concrets. Mieux, il a même été démontré que la lecture d’histoires dès le plus jeune âge favorisait la réussite scolaire et que l’on pouvait mesurer son incidence positive y compris sur les résultats en mathématiques. Par ailleurs, dans une société où le marché de l’emploi est tendu et la concurrence rude entre les étudiants pour accéder aux meilleurs postes, la créativité, la capacité à penser l’abstraction sont précisément les qualités les plus recherchées. Or, quoi de mieux pour développer son imaginaire que des histoires aux multiples rebondissements, aux créatures merveilleuses et aux voyages fabuleux ?
Un album raconte d’ailleurs avec beaucoup de charme que l’on peut passer son enfance à rêver tout en fabriquant sa réussite future. C’est le titre Poussière d’étoile qui met en scène, par le biais de la métaphore, le destin exceptionnel d’une petite fille littéralement « dans la lune ».
Les premiers hommes se seraient organisés pour se raconter des histoires les uns aux autres avant même d’inventer la monnaie ou un système agraire, preuve du caractère essentiel du récit pour l’humain. On sait maintenant que même les bébés sont puissamment nourris par les histoires. Les mythes, les contes ont rempli ce besoin à travers les âges, et aucune culture humaine n’en est dépourvue. Le livre en est tout simplement le véhicule moderne – et individuel. Les histoires racontées, que l’on peut écouter en toute liberté – contrairement aux consignes du quotidien – nous projettent dans un ailleurs en même temps qu’elles nous informent sur notre propre destinée. Car leur structure, leur contenu, les sens profonds que chacun peut y projeter proviennent d’une expérience humaine qui nous aide à construire la nôtre. À cet égard, Le Talisman du loup, est un conte ample, aux nombreux motifs merveilleux qui offre de multiples entrées symboliques dans le récit. Ses illustrations sont enchanteresses, à la fois modernes et proches des artistes russes du XIXe siècle, et il ne faut pas négliger l’importance de l’esthétique des livres pour enfants. Car l’imaginaire, pas plus que le langage, n’est inné. Il s’enrichit précisément par la fréquentation d’images qui, loin de le brider, bien au contraire, l’enrichissent. Et de la force esthétique ou sémantique de ces images dépend grandement l’ampleur de l’imaginaire qu’elles pourront générer, surtout quand elles sont réalisées par de grands illustrateurs comme dans Rose, petite rose, L’Extraordinaire voyage du chat de Mossoul, Ma panthère noire ou encore Le livre de la jungle.
Retenons enfin que la diversité des livres lus est fondamentale. Aussi, peut-on avec un bel album comme Le Grand livre des licornes concilier rigueur scientifique du documentaire et imaginaire de la fiction, puisque ce livre nous apporte toutes les informations utiles sur un animal purement chimérique…

Sophie Van der Linden

Critique littéraire, spécialiste entre autres de l'œuvre de Claude Ponti et de la lecture de l'album, éditrice, formatrice et conférencière, Sophie Van der Linden fait autorité dans le domaine de la littérature jeunesse. Romancière, elle a publié récemment chez Gallimard, dans la collection Sygne, Après Constantinople. Elle est aussi jurée du prix Vendredi.

Illustration de Briony May Smith, extraite de l'album Poussière d’étoile de Jeanne Wilis.