Chronique

Publié le 19/04/2018

En tête à tête avec Paule du Bouchet

68 année zéro - Paul du Bouchet

Cinquante ans après, pourquoi avez-vous voulu revenir sur les événements de mai 68 ?

Les circonstances ont voulu que je sois cette année-là une adolescente passant son bac, vivant en plein Quartier latin, au cœur des événements, dans une famille absolument ouverte à ce qui se passait autour d’elle. Cette année-là, qui figure aujourd’hui dans les livres d’histoire, qui est analysée par les historiens et les sociologues comme une charnière absolue, une bascule ouvrant sur l’époque que nous vivons aujourd’hui, j’ai eu envie de revenir sur elle, et sur la jeune fille que j’étais alors. Pour savoir quel rôle cette période avait joué dans ma propre vie. En écrivant, j’ai eu confirmation de la réponse que j’ai en réalité toujours connue : un rôle déterminant. Oui, 68 a été mon année zéro. Comme elle l’a été pour un nombre incalculable de jeunes, de tous les milieux, de toutes les origines sociales et géographiques.

Le récit est centré sur le quartier latin, à Paris, puis à Avignon. Pour quelles raisons ?

Mai 68 a pris naissance chez les étudiants de Nanterre puis de la Sorbonne, s’est concrétisé au Quartier latin, puis dans les usines, mais il a été animé par un puissant courant libertaire dont les milieux artistiques se sont fait l’écho et les porte-parole. En juillet 68, après la « reprise en main » par le gouvernement, la contestation du Quartier latin s’est très naturellement transportée dans le lieu d’expression vivante qu’était le Festival d’Avignon.

Le roman est écrit à la première personne du singulier. Est-ce un récit des premières fois, un roman autobiographique, un témoignage, une transmission ?

Bon, il s’agit bien de ma pomme !

Les événements de l’époque sont observés, vécus puis racontés par une jeune femme de 16 ans. Quelles sont vos intentions d’auteur au moment du cinquantenaire de mai 68 ?

Certainement de donner aux jeunes d’aujourd’hui le sentiment que la fraîcheur, le jaillissement, le refus des normes établies quand elles sont stupides, les idéaux mêmes utopiques sont porteurs de notre propre liberté et que l’on ne construit véritablement sa vie qu’en la questionnant.

Le livre est un questionnement sur l’éveil de la conscience politique, le rôle de l’art, la liberté d’expression, la religion, le changement, l’engagement citoyen. Pensez-vous que ces préoccupations traversent les époques ?

Elles ont fortement accompagné ma propre jeunesse, elles se posent aujourd’hui en des termes différents, sans doute plus contraints par une certaine pression économique et par une forme de consensualisation de la pensée. Mais ce ne sont pas là des remarques négatives : à chaque époque son mode de questionnement.

Le rôle de l’écrivain est-il de témoigner du contexte social et historique d’alors ?

Je ne sais pas ce que c’est que le rôle de l’écrivain ! Il fait ce qu’il peut, le pauvre. Parfois il lui prend envie de témoigner, mais cela reste toujours une entreprise personnelle, subjective, sinon il n’y a pas d’écriture.

Au regard de l’époque actuelle, que voudriez-vous qu’il naisse de cette lecture ?

Sans doute la notion de refus et d’engagement. Sans doute aussi que renaisse chez les jeunes le sentiment de leur propre puissance, en un temps où la peur de ne pas réussir, celle du chômage, l’obsession de gagner de l’argent ou celle de « paraître » minent la confiance en soi et tuent dans l’œuf les plus grandes et les plus belles aspirations.

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